«Le temps passera, passera
on finira par s’endormir,
on finira sans coup férir!»
Chantait le rat hibernateur
en époussetant sa demeure.
«Je ne vais pas en plein hiver
et dans le froid, et sous le gel
rejoindre, parce qu’on le déclare,
cette cohorte de minables
qui part en guerre pour un tunnel
disputé à d’autres rongeurs.
A la baston je n’irai pas!
Qu’ils aillent tuer du cobaye
tout cela se fera sans moi.
De leur frontière je m’en bats
la quenouille, scandait le rat,
moi je ne me mouillerai pas
pour qu’on s’étripe à la cuillère
sous les ordres d’un mandataire.»
Or le destin était en rogne
contre sa misérable trogne.
Il se trouve que par hasard
l’objet même de la discorde
traversait le pas de sa porte.
Mais le rat confiné chez lui
s’y trouva enterré aussi
pour n’avoir pas suivi la troupe
qui trimait dans une tranchée;
Car la première stratégie
consistait à boucher le trou
où le tunnel faisait un coude
passible d’aider l’ennemi.
Coincé à vie dans son repaire,
le rat jusqu’à l’heure dernière
chanta l’hymne du déserteur :
«Le temps passera, passera,
et de travers, et de guingois,
qu’importe si je fais le mort
ça vaut mieux que crever dehors!»